La loi du 5 juillet 1985 dite Loi Badinter a été créée avec pour objectif annoncé d’améliorer notablement la situation des victimes d’accidents de la circulation.
Elle dispose ainsi en son article 3 :
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. »
Un autre tempérament, quant à lui beaucoup moins restrictif, est visé à l’article 4 de ladite loi :
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis. »
Ainsi, le fait que la victime conductrice d’un véhicule terrestre à moteur ait commis une faute ayant contribué à la réalisation de son dommage peut justifier la suppression ou à tout le moins la réduction de son droit à indemnisation.
Une telle faute est appréciée souverainement par les Juges du fond.
L’arrêt analysé en est une illustration.
En l’espèce, le véhicule Fiat Punto conduit par Monsieur T. avait été heurté à l’arrière alors qu’il se trouvait à l’arrêt dans l’attente de tourner sur la gauche par la moto de Monsieur C., qui circulait sur la même voie de circulation et avait alors tenté de le doubler par la gauche.
Si aucun témoin n’avait assisté à l’accident, les services de police intervenus sur les lieux avaient toutefois relevé l’absence de traces de freinage qui auraient pu laisser penser que Monsieur C. avait tenté d’éviter le véhicule qui le précédait.
Par ailleurs, il avait été constaté l’importance des dégâts occasionnés sur la carrosserie du véhicule endommagé.
Afin de tenter d’échapper à son obligation d’indemnisation en exécution des dispositions de la Loi Badinter, l’assureur dudit véhicule avait ainsi assigné Monsieur C. afin qu’il soit jugé que ce dernier avait commis des fautes excluant son droit à indemnisation.
En première instance, sa demande avait toutefois été rejetée, la Juridiction de premier degré estimant en effet que le droit à indemnisation de M. C était entier.
La Compagnie d’assurance a alors interjeté appel de la décision.
Aux termes de son arrêt, l’argumentation développée par la Cour d’appel est toute autre.
Elle estime qu’eu égard aux dégâts présentés par le véhicule, et à l’absence de traces de freinage relevés sur les lieux de l’accident, « M. C. a heurté le véhicule se trouvant devant lui, sans avoir effectué aucune manœuvre lui permettant de l’éviter, ce qui caractérise un défaut de maîtrise et un non-respect des distances de sécurité, à tout le moins une faute d’imprudence et d’inattention de sa part ».
Considérant que cette faute était manifestement de nature à avoir contribué à la réalisation du dommage, la Juridiction a ainsi considéré qu’elle était de nature à réduire le droit à indemnisation de M. C de 50%.
C’est cette même argumentation qui a été reprise par la Cour de cassation.
Compte tenu des éléments recueillis à la suite de l’accident, elle considère que c’est à bon droit que la décision critiquée a considéré qu’il était possible de caractériser un défaut de maîtrise et un non-respect des distances de sécurité de la part de Monsieur C., et à tout le moins une faute d’imprudence ou d’inattention de sa part, constituant une faute ayant contribué à la réalisation du dommage de Monsieur C..
La réduction conséquente du droit à indemnisation de ce dernier, souverainement fixée par la Cour d’appel à hauteur de 50%, et sur laquelle la Cour de cassation ne dispose d’aucune marge d’appréciation, n’a quant à elle pas été modifiée.
Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 12 décembre 2019, 18-17.657